Patrick Peltier
Les idoles oubliées
septembre 2021

Nous pensions connaître l’œuvre sculptée de Patrick Peltier – une exposition intitulée « les intimes » lui était consacrée au DomaineM à l’automne 2015 – mais voici qu’il nous faut revoir nos certitudes et mesurer le pas de côté inattendu que l’artiste a apporté à son travail ces derniers temps.

Jusqu’à présent les créations de l’artiste prenaient place dans la configuration esthétique des assemblages, mêlant la pierre, le ciment, le bois, selon des protocoles validant l’expression bute des matériaux, leur grain, leur texture, et opérant de délicates opérations chromatiques qui allégeaient les pièces et troublaient notre perception. Au fil des années la couleur est devenue primordiale, « habillant » les pièces de bleus intenses, de violets captateurs, de rouges et de jaunes qui paraissaient sourdre des matières elles-mêmes. Comme si tout matériau brut était susceptiblede trouver une forme d’accomplissement dans ces transmutations et ces mélanges.

L’entrée du vivant est une conquète récente du sculpteur -dont témoigne le projet « Têtes de mortier » présenté à la Fabrique Poïein en décembre 2017 – toutes les matières minérales semblant alors affirmer leur lien profond, sinon leur apparentement, avec l’ensemble des organismes vivants. Mais voici à présent l’entrée du vivant sous les auspices de la mort – ici de l’animal – comme plénitude du monde jusqu’à ses plus extrêmes limites mais aussi comme dépassement de ces dernières. C’est une résolution propre à l’artiste qui se matérialise sous nos yeux avec ces têtes de cervidés – cerf, chevreuil, biche, daguet, brocard – où l’animal est saisi comme cette part centrale du vivant que nos yeux « retournés » (ainsi que le disait Rilke) ne voient plus. L’action plastique – bois calcinés, fragments, conglomérats – se projette alors vers nous comme une question déconcertante : comment penser cet « ouvert » que percevrait l’animal et qui nous serait inaccessible ?Comment avons-nous pu oublier ces « idoles » sauvages de la présence au monde ? 

https://www.patrickpeltier.com/

EDITION : Patrick Peltier, Gérald Castéras, Les Idoles oubliées – Gérald Castéras, « 19 fragments pour accompagner une série de sculptures de Patrick Peltier » – Photographies de Patrick Peltier – Michel Cegarra, « L’ouvert » (postface) – Format A5, dos carré, 84 pages, 19 illustrations couleur, éditions poïein [204ème volume de la collection poïein], juin 2021.